La Composante Transhumance du PAIRIAC

Un Levier pour la paix, la gouvernance et la durabilité pastorale en Afrique Centrale 

Dans un contexte marqué par des pressions croissantes sur les ressources naturelles, des conflits récurrents entre agriculteurs et éleveurs, et une dégradation accélérée des écosystèmes pastoraux, la Composante 2 – Transhumance et Mobilité Pastorale du Projet d’Appui à l’Intégration Régionale et à l’Investissement en Afrique Centrale (PAIRIAC) s’impose comme une initiative stratégique pour stabiliser et réguler les mouvements transfrontaliers du bétail entre le Cameroun, la République centrafricaine (RCA) et le Tchad. 

Portée par l’Union européenne avec un financement global de 9 millions d’euros, cette composante se décline en trois sous-composantes complémentaires, dont deux sont mises en œuvre par la Wildlife Conservation Society (WCS) (volets 2.2 et 2.3) et une par le Projet d’Appui à la Régulation de la Transhumance Transfrontalière en Afrique Centrale (PARTTAC) (sous-composante 2.1). Ensemble, elles forment un dispositif intégré visant à sécuriser la transhumance, améliorer l’accès aux services pastoraux et renforcer la gouvernance locale des ressources naturelles. 

Défis pastoraux et enjeux régionaux 

La transhumance, pratique ancestrale et essentielle à l’économie pastorale en Afrique centrale, est aujourd’hui menacée par plusieurs facteurs interconnectés : 

  • Réduction des espaces pastoraux due à l’expansion agricole et à la pression démographique ;
  • Dégradation des infrastructures pastorales (points d’eau, pistes, abris) ;
  • Insécurité accrue liée aux conflits intercommunautaires, à la présence de groupes armés et aux trafics illégaux ;
  • Absence de gouvernance locale efficace pour gérer l’accès équitable aux ressources ;
  • Non-application des textes réglementaires sur la mobilité transfrontalière du bétail.

Ces facteurs exacerbent les tensions entre éleveurs, agriculteurs et gestionnaires des aires protégées, menaçant à la fois la sécurité alimentaire, la stabilité sociale et la biodiversité dans une zone stratégique s’étendant du bassin du lac Tchad aux savanes soudaniennes. 

Objectifs stratégiques de cette composante 

L’objectif global de la Composante 2 du PAIRIAC est de sécuriser la transhumance transfrontalière et la mobilité pastorale, en instaurant une bonne gouvernance locale et un accès équitable aux services pastoraux. Deux grands axes structurent cette ambition : 

  • PARTTAC (Sous-composante 2.1) : Harmoniser les cadres réglementaires et politiques entre les trois pays et renforcer la coopération transfrontalière.
  • Volets 2.2 et 2.3 (WCS) : Améliorer l’accès aux services pastoraux (santé animale, eau, fourrage) et renforcer les dispositifs locaux de gestion durable des ressources naturelles.

PARTTAC : réguler la transhumance transfrontalière 

Porté par Dr Abdou Jonathan, coordonnateur du PARTTAC, ce volet vise à consolider les cadres de régulation de la transhumance transnationale à travers quatre produits clés : 

  • Consolidation des cadres politiques et réglementaires dans les trois pays ;
  • Restauration des commissions mixtes bilatérales (Cameroun-RCA, RCA-Tchad, Cameroun-Tchad) pour faciliter le dialogue interétatique ;
  • Développement de plans stratégiques pour la gestion de la transhumance sur des axes prioritaires ;
  • Mise en œuvre de modules d’application pour suivre et réguler les mouvements de bétail.

Avec un budget de 2 millions d’euros et une durée de 42 mois (démarré en février 2022), le projet s’appuie sur une logique d’intervention en trois niveaux : 

  • Niveau régional : Harmonisation des politiques via les institutions sous-régionales (CEEAC, CEMAC, COMIFAC) ;
  • Niveau national bilatéral : Renforcement du dialogue entre pays frontaliers, avec possibilité d’une commission tripartite ;
  • Niveau décentralisé : Mise en œuvre locale via des comités bilatéraux transfrontaliers.

Le projet a déjà réalisé plusieurs avancées en 2022 : recrutement de l’équipe, missions de contact dans les trois pays, élaboration des termes de référence d’une étude diagnostique de base, et signature d’un protocole d’accord pour cette étude. En 2023, les priorités incluent la validation des zones d’intervention, la mise en place opérationnelle des commissions mixtes, et la réalisation d’études stratégiques sur les axes de transhumance. 

Volets 2.2 et 2.3 : renforcer les services pastoraux et la gouvernance locale 

Mis en œuvre par la Wildlife Conservation Society (WCS) sous la coordination de Dr Abdou Djerma Boubakar, ces volets bénéficient d’un budget de 7 millions d’euros. Ils ciblent trois régions clés : le Nord du Cameroun, le Nord-Est de la RCA et le Sud du Tchad, zones traversées par des flux importants de transhumants. 

Les groupes cibles incluent les bergers, les agriculteurs, les autorités coutumières et décentralisées, ainsi que les équipes gestionnaires des aires protégées. Les bénéficiaires finaux sont les gouvernements nationaux, les communautés locales et la communauté internationale. 

Les six produits principaux du projet sont : 

  • Cartographie de la transhumance transfrontalière pour mieux comprendre les itinéraires et les enjeux spatiaux ;
  • Mise en place du système « Tangos », un dispositif innovant de sensibilisation et d’engagement avec les transhumants ;
  • Déploiement de dispositifs incitatifs pour encourager une gestion durable et lutter contre les trafics illégaux ;
  • Régulation des troupeaux sur les axes prioritaires ;
  • Planification d’un système de santé intégrée « One Health » (santé animale, humaine et environnementale) ;
  • Capitalisation et intégration des leçons apprises dans les politiques futures.

En 2022, les activités ont porté sur le recrutement de l’équipe, les missions de terrain, la préparation d’ateliers provinciaux d’expression des besoins, et le déploiement des premiers « Tangos ». En 2023, les priorités sont la validation des zones d’intervention, la tenue des ateliers de planification pastorale, le suivi aérien de la transhumance, et le lancement des travaux d’investissement (pistes, points d’eau, etc.). 

Articulation entre les sous-composantes : une approche cohérente et complémentaire 

Une attention particulière est portée à l’articulation entre le PARTTAC (2.1) et les volets 2.2/2.3. Ainsi : 

  • Les règles de régulation développées par le PARTTAC intègrent les initiatives locales portées par la WCS ;
  • Les parcours pilotes sont définis en fonction des priorités géographiques identifiées par les volets 2.2/2.3 ;
  • Les données de terrain (cartographie, suivi via les Tangos) alimentent les stratégies nationales et régionales.

Cette complémentarité permet d’assurer une cohérence entre l’échelle locale (gestion communautaire, services pastoraux) et l’échelle régionale (harmonisation des politiques, coordination interétatique). 

Gouvernance et pilotage du projet 

La gouvernance repose sur un système hiérarchisé : 

  • Un Comité Central de Suivi Technique (CCST) au niveau régional, associant la CEEAC ;
  • Des Comités Locaux de Suivi Technique (CLST) aux niveaux nationaux et transfrontaliers ;
  • Une équipe de coordination et des experts techniques sur le terrain.

Ce dispositif assure une coordination étroite entre les différents acteurs : gouvernements, organisations sous-régionales, partenaires financiers (UE), et populations locales. 

Contraintes et solutions mises en œuvre 

Le projet fait face à plusieurs défis : 

  • Démarrage tardif en raison de procédures administratives ;
  • Insécurité et difficultés d’accès dans certaines zones (notamment en RCA) ;
  • Complexité de la mise en place des structures de gouvernance.

Pour y faire face, les équipes ont adopté des solutions pragmatiques : 

  • Priorisation des actions sur les axes les plus critiques ;
  • Anticipation des activités (recrutement, acquisition de matériel) ;
  • Mise en place rapide du CCST avec la CEEAC pour assurer un pilotage régional efficace.

Vers une transhumance durable et pacifiée 

La Composante 2 du PAIRIAC représente une opportunité historique pour transformer la transhumance d’un facteur de conflit en levier de coopération régionale, de développement rural et de paix durable. En combinant régulation politique, innovation technique (Tangos, cartographie, One Health) et gouvernance participative, le projet pose les bases d’un pastoralisme résilient, inclusif et respectueux des écosystèmes. 

À l’horizon 2025, les résultats attendus incluent : 

  • Des parcours de transhumance sécurisés et régulés ;
  • Des services pastoraux accessibles et de qualité ;
  • Des institutions locales renforcées dans la gestion des ressources ;
  • Une réduction significative des conflits liés à l’accès aux terres et à l’eau.

En somme, le PAIRIAC, à travers sa composante transhumance, trace une voie ambitieuse pour une Afrique centrale plus intégrée, plus stable et plus durable. 

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